Quand les chemins se croisent

Vallée du Douro, Porto et puis Setubal.

Nous longeons la côte du Parque natural da Arrabida vers Sesimbra. Nous nous arrêtons en route car nous avons trouvé une belle plage où poser notre nid roulant: Praia da Figueirinha. Une journée à regarder la mer et les pêcheurs, à regarder le ciel changeant et puis Chris qui saute à l'eau alors qu'on est en novembre.

Le soir, nous voyons arriver une famille en camping-car, il y a deux enfants, ils parlent français. Chris me dit: "C'est des belges". Cela n'est pas arrivé si souvent d'en croiser. Le lendemain, nous croisons le papa, le petit garçon de 5 ans et la petite fille de 2 ans. Ils s'arrêtent discuter. Chris se rend compte que la maman est une copine d'études, pas revue depuis très longtemps. C'est drôle, Amandine la conteuse nous a parlé d'eux quand on était encore en Belgique au début de notre voyage.

En échangeant avec eux, nous nous rendons compte que nos départs ont beaucoup de points communs, ils nous racontent leurs expériences.

Ils sont partis en août. Ils ont pris tous deux une pause carrière de 1 an. Ils ont traversé la France, l'Espagne et vont vers le Maroc, puis l'Italie...Ils avaient plein d'envies au début de leur voyage, aller à la rencontre de gens qui vivent autrement et aller voir des projets alternatifs en lien avec la nature. Avec les enfants, ils ont l'impression de ne pas avoir le temps. D'autant plus, qu'il faut assurer l'école par correspondance, que c'est tout sous format papier. Ils nous racontent la course pour trouver des lieux où imprimer les cours ou alors pour acheter des enveloppes grand format pour renvoyer les devoirs. Et puis après faire les leçons et les exercices, parfois, souvent même, tellement éloignés d'eux, de leur vie. Nous les faisons rire et nous les rassurons en leur disant que nous avons la même impression alors que nous n'avons pas d'enfants. Et puis nous leur laissons deux enveloppes kraft, car bien sûr je suis partie avec beaucoup trop. L'inutile utile. Le petit garçon nous fait une visite de sa "maison", il est fier, il est content de rencontrer de nouvelles têtes.

Le papa se questionne sur son choix de partir. Il prend conscience que le voyage c'est peut-être ce temps-là de confrontation avec soi. A Bruxelles, tous deux travaillaient pour des asbl engagées autour des questions liées à l'environnement (déplacement, alimentation etc.). Pourtant un constat: dire aux autres comment faire et faire, être dans le discours ou dans l'action, il y a un parfois un fossé. Vouloir changer le monde et ne pas se changer soi dans son mode de vie. Comment faire le pont entre nos valeurs et notre façon de vivre? Tu commences à creuser ces questions et le sentiment que tu dois t'extraire de la réalité pour te repenser est là, présent. Partir loin pour changer de point de vue? J'avais eu ce sentiment quand à l'école où j'enseignais, pour la semaine de l'alimentation, j'étais sensée animer un atelier "potager" alors que moi-même je n'en avais jamais fait un et que j'avais seulement fait pousser quelques tomates et des plantes vertes sur une toiture plate. Cela fait du bien d'échanger, de se rendre compte que les questionnements sont là chez chacun et que chacun cherche une manière juste d'y répondre.

Nous poursuivons notre route. Nous nous reverrons pour une journée sur la route un peu plus au Sud du Portugal. Et peut-être au retour dans la province de Liège, ou, eux comme nous, nous aimerions bien nous installer. 

Anne