Les belges du bout du monde

Marseille, c'est un peu au bout du monde en venant de la Belgique. Sans exagérer. 

A Marseille, nous sommes allés voir Natacha, une Belge, ayant migré voilà deux ans. Nous nous étions rencontrées à la formation "Ecrivain public" à Bruxelles et nous étions les deux seules à avoir répondu "dans la forêt" à la question "dans quel endroit te sens-tu le plus en sécurité?". Par nécessité, après un burn-out, un trop plein qui lui a brisé les jambes au sens propre, elle est venue voir la mer et marcher marcher marcher dans les calanques pendant plusieurs mois, afin de retrouver l'équilibre. Et puis, elle est restée.

Dans les calanques, elle nous y a emmené, jusqu'à la plage du "Bout du Monde", on a été, pour boire un coup "Chez le belge" mais il était fermé. Le belge, comme on l'appelait, c'était aussi un des cerveaux de la French Connection, vaste réseau qui fabriquait de l'héroïne et fournissait tout le continent américain. Nous qui pensions être loin, il y avait des Belges partout ici. Qu'est-ce qui les attirait tous à Marseille? Le soleil? Le cosmopolitisme? Le côté village? Un peu de tout ça sans doute.

Le 15 octobre, nous nous baignions et à côté une Marseillaise rigolait: "L'eau est à 20 degrés, la Bretagne au mois d'août!". Question de point de vue. Ce qui est chaud pour l'un ne l'est pas pour l'autre. Nous nous adaptons à notre milieu. Changer de milieu de vie demande une sorte de déprogrammation afin d'accueillir les nouvelles données de l'environnement. Loin pour un belge, une française de Creuse et un Marseillais, est-ce la même chose?

Natacha travaille et habite maintenant à la ferme de Bachasson, un peu en dessous d'Aix-en-Provence, une ferme familiale où on cultive les légumes de génération en génération. Pascal qui a pris la relève a les yeux lumineux comme la mer et la peau tanée par le soleil et creusée par les sillons du vent, il a 53 ans. Il ne cultive pas en bio, mais se questionne, il est en transition, il essaie de changer les modes de fonctionnement appris et reproduits depuis des décennies. C'est courageux. Il gagne bien sa vie, prend du temps avec sa famille et s'échappe de temps à autre dans un cabanon dans le Luberon. Il pourrait continuer comme avant. Cultiver des légumes en bio ou pas en bio? Est-ce la même chose? 

Est-ce qu'on peut vivre longtemps loin de la terre?

Anne

Nous repartons avec des tonnes de livres donnés par Natacha et l'esprit en tourbillon plein des conversations passionnantes que l'on a eu avec elle. Quelques références de livres qu'elle nous a donné:

- Soufi mon amour de Elif Shafak
- La sagesse des contes d'Alejandro Jodorowski
- Anatomie de l'errance de Bruce Chatwin 

 

Grogne, gronde et hurle l'ombre du loup, séquestrée par la raison de celui qui regarde le mur amer des cités dressés, frontières à l'animalité. Carquois en bandoulière, l'âme s'éveille, regarde au-delà des …