Le silence de la campagne

Celui-là, il fait horreur à certains, il ravit les autres. Y a-t-il vraiment le silence à la campagne? En ville, le bruit sourd des voitures envahit l'espace sonore, il le mange, peu d'autres sons résistent au passage de ces monstres motorisés en tous genres, bus, moto, voiture, camion...En ville, il y a la foule aussi, de la vie, des conversations, des rires, des cris, des chuchotements, du lien social. Tu oublies parfois d'écouter les oiseaux tellement l'espace est rempli. Marche dans la ville et écoute.

A la campagne, il y a souvent moins, moins de voitures, moins de gens, moins de ... Mais alors qu'est-ce qu'on entend?

Nous étions dans cette petite maison de O pieiro, village perdu sur la pointe de la Galice. Au calme, comme on dit. La maison était une ancienne bergerie rénovée. La première nuit, des bruits dignes d'un film à frissons nous réveillent, l'angoisse naît car nous sommes incapables d'identifier clairement ces bruits, d'où ils viennent. Nous reconnaissons des chiens hurlants comme des loups et des claquements de volets. Le lendemain après cette nuit agitée, nous découvrons à l'arrière de la maison, un champ avec un container, quelques chiens, des poules, des vaches, deux hommes en bottes et tenue de travail, un tuyau d'eau. Sur le container, le mot "carnicero", boucher. Les deux hommes lavent à grande eau l'intérieur du container. Nous faisons des suppositions sur l'activité des deux hommes, lavent-ils du sang? ont-ils mis à mort des animaux? Notre imagination va bon train. Nous nous lançons dans un scénario d'abattage illégal et de réseau parallèle de revente de viande. Notre imagination galope, aidée par l'ambiance sonore de la nuit précédente, l'ayant mise en alerte. Dans le village, les maisons semblent abandonnées ou du moins pas habitées tout le temps. Seuls les aboiements des chiens qui s'appellent d'un jardin à l'autre la journée et la nuit. Parfois, la nuit, certains semblent pleurer ou crier. Chaque maison a son chien. Ce sont leurs aboiements dont je me rappellerais si je devais donner une voix à ce village. Ces aboiements sont aussi agressifs et envahissants que les voitures pour moi.

Quand on s'éloigne des chiens et des sons inquiétants dont on ne connaît pas la source, on peut recommencer à écouter, le ressac de la mer, la caresse du soleil, les cigales, les traces de nos pas dans la terre, la danse du vent dans nos oreilles. Lorsque l'on s'éloigne de l'agitation, on se reconnecte à la musique du monde. Et le silence est beau.

Anne