Trifouillis-les-oies, Knokke-Le-Zoute ou Marseille?

Nous voilà en Lorraine, débarqués là complètement à l'improviste. Notre itinéraire est devenu un vrai point d'interrogation. Nous allons vers le Sud mais ne savons pas encore quel chemin prendre. Nous voulons nous laisser porter par le vent le plus possible, mais je dois lutter contre moi-même et le conditionnement qui fait que nous devons avoir un projet, savoir où l'on va, justifier notre présence sur Terre par l'action, qui fait qu'on passe notre temps à combler le temps par l'angoisse du vide. D'autant plus que les nuits sont glacées et que je dors presque habillée en plus des trois couches de couvertures. A quel point le froid influence-t-il ma façon de pensée à ce moment-là? Rien n'est moins sûr mais en tous cas, j'en étais au "Qu'est-ce-qu'on fout là?".

Surtout qu'on avait atterri, après s'être perdu sur les petites routes de nuit, à Thiaucourt, ville de Lorraine où se trouve, en plus du cimetière américain, le célèbre musée du costume militaire. Oui nous n'avons pas de GPS. Oui cette destination était prévue au programme, Chris avait repéré sur l'application "Park4night" qu'il y avait là une super aire pour camping-car avec un accès à l'eau et des douches. Beau programme en perspective. Sauf que quand on arrive, tout est fermé, le parking en dehors de la ville est désert et un vent souffle dans la carlingue de la camionette faisant un son sourd comme si une foule de fantômes hurlants se jettaient sur nous.

Voilà comment ça a commencé. Le lendemain, on a trouvé un camping, c'était le dernier jour d'ouverture de la saison, la douche, les réserves d'eau, la lessive et le nettoyage de Philibert n'en furent que trop bon. Après on s'est rendu à l'étang de La Chaussée, pour y voir les oiseaux migrateurs, nos congénères. (lire à ce sujet un article du Républicain Lorrain, Oiseaux migrateurs : la Lorraine incontournable).

Et sur le chemin, sur la route D28c (en Lorraine, une même route a des variantes: D28, D28a, D28b ...), comme un oracle surréaliste, nous sommes tombés sur le village de Dommartin-la-Chaussée. Chris m'a dit: "Eh, y a un panneau qui indique Knokke!", et puis j'ai vu le panda géant, le champ de faux moutons et tout le paysage réinventé par je-ne-sais-quel génie illuminé. Nous nous sommes arrêtés pour visiter. Le village était désert, mais tout l'espace public avait été mis en couleurs, il était habité par des créatures et des scènes étranges digne de l'amour de l'absurde belge. Nous avons longtemps médité sur les panneaux indiquant "Nulle part", "Ici" et "Là-bas" pour repartir en se disant que parfois, on avait la sensation d'être nulle part mais que l'ici n'était pas moins bien que là-bas, alors qu'on serait toujours ici ailleurs.

Anne